
2.1
La tendance du slow tourism

"On fait du vin avec du raisin et du temps. Ce temps c’est le temps de notre vie, des saisons c’est pour ça que c’est fort. Tu travailles en regardant les saisons, c’est une philosophie de vie."
​
- Françoise Bunan, Domaine Bunan
Cette phrase, issue de l’interview de la responsable communication du Domaine Bunan, témoigne bien de la particularité de l’oenotourisme. En effet, cette forme de tourisme est extrêmement corrélée aux notions de prendre son temps, de proximité avec la nature. Qu’il s’agisse de prendre le temps de visiter un domaine, de déguster des vins, de comprendre le process de vinification, de connaître l’histoire du domaine..., l’oenotourisme est par essence même une pratique dans laquelle il faut se laisser le temps.
Développé dans les années 2000 le slow tourism invite les gens à prendre le temps de profiter de la nature, des paysages, des produits locaux… Cette reconception du temps pousse les touristes à privilégier l’appréciation d’un moment, d’un lieu visité plutôt que la quantité visitée de ces derniers. Cet état d’esprit répond à une tendance générale d'accélération du rythme de vie des individus identifié par Rosa Hartmut (2003). En effet, face à une société dans laquelle la technologie, l’économie, les transports, … semblent aller de plus en plus vite, certains prennent le contre-pieds et décident de ralentir.

Dans son article "Social acceleration" l’auteur insiste sur le fait que les occidentaux qui ressentent cette pression temporelle ont ainsi l’impression perpétuelle de manquer de temps. Ce sentiment s’est accentué au cours des décennies, induisant ainsi que la révolution digitale combinée à la mondialisation ont contribué à cette vague "d'accélération sociale". Cette accélération générale du rythme de vie des individus est entretenue selon H. Rosa, par plusieurs facteurs dont le capitalisme. En effet, dans une économie capitalistique, le temps est un facteur de production. En réduisant le temps de production, on fait donc des économies.
Les chercheurs ont montré que les individus ne voulaient pas simplement avoir plus de temps mais voulaient avoir le temps pour des "meaninfgul things" (Wendy Parkins, 2004). Ainsi le "slow living" serait une réponse à ces problématiques. Le slow living n’est pas une philosophie prônant un retour vers le passé ou encore pour vivre sa vie en étant au ralenti mais simplement un état d’esprit selon lequel au quotidien, les individus s’engagent à faire plus attention à leur manière de "dépenser" leur temps. Ainsi, avoir le temps pour quelque chose résulte d’un choix délibéré et signifie s’investir dedans avec attention. De ce fait, chaque action est réalisée en pleine conscience ce qui fait qu’elle est probablement plus appréciée pour son caractère spécial et unique, d'après Wendy Parkins et Geoffrey Craig (2006).
Le slow living passe entre autres par la slow food. Ce mouvement né dans les années 90 en Italie, avait pour objectif de rejeter massivement la fast-food et la "fast-life" de manière générale. La disparition des aliments locaux et le désintérêt des gens pour le goût de la nourriture ou son origine sont également le terreau de ce mouvement.


Nous comprenons ainsi que dans ce monde où l’objectif est d’aller de plus en plus vite et de faire un maximum de choses en un minimum de temps, le slow tourism trouve doucement sa place. La remise en cause récente d’un tourisme standardisé et massifié, d’une agriculture productiviste et d’une alimentation homogène permet donc à une nouvelle forme de tourisme d’émerger. Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme culinaire partage certaines facettes de la philosophie du slow tourism et a su se faire une place au fil des ans. En effet, de "nouvelles demandes en matière de tourisme, axées sur une recherche de choix et de dépaysement, se couplent avec de nouvelles pratiques de consommation, privilégiant des produits authentiques, naturels, locaux, chargés d’une dimension culturelle, identitaire, territoriale et/ou qualitative. Ainsi les produits locaux, recherchés et prisés notamment par les touristes, vont posséder une valeur patrimoniale qui ancre le produit dans le lieu et le temps." Florian Marcelin et Valeria Bugni (2016).
Au-delà de cette dimension terroir, il faut ajouter que le slow tourisme a également pour volonté de respecter les cultures locales, l’histoire et l’environnement d’un territoire ainsi que la promotion des liens sociaux (entre touristes et avec les locaux). Il se caractérise ainsi par la volonté de ses pratiquants à découvrir, apprendre et partager des moments avec les communautés locales. Ceci contribue donc à offrir aux participants des expériences souvent plus intenses et mémorables.

Comme nous l’avons vu précédemment, ce que les touristes recherchent en grande partie (sur les domaines français qu’ils visitent), c’est de rencontrer le vigneron et d’en apprendre plus sur son quotidien, sur les vignes, sur le vin...
​
"Et c’est là que le segment de l’oenotourisme m’a beaucoup parlé (...). C’est pas que de la dégustation, juste apprécier voyager et être dans des endroits différents. Etre avec des vignerons qui sont là pour partager et ça généralement les gens en veulent tout le temps. Le vin c’est très subjectif. Tu peux aimer un vin que moi je n’aimerai pas mais par contre dire qu’une expérience est canon et que t’as passé un bon moment en général c’est plus collectif."
​
- @Dalkia_loves_wine
​

L’oenotourisme permet d’une certaine manière de se reconnecter avec la nature, de valoriser des territoires et les produits d’un terroir. De plus, le produit central au service oenotouristique est le vin, lui-même issu d’un processus demandant du temps.​
​
Le temps, la nature et les rencontres étant les ingrédients principaux composant une expérience oenotouristique, nous comprenons que cette niche du tourisme s’ancre parfaitement dans le mouvement plus global qu’est le slow tourism.
Cette nouvelle philosophie de voyage témoigne de la recherche d’authenticité de plus en plus plébiscitée des touristes.