
Les oenotourismes en France
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Les vignerons que nous avons pu interroger ont toujours accueilli les personnes de passage pour leur faire découvrir leurs vins ainsi que leur savoir-faire. En effet, nous avons pu constater que ces derniers ont à coeur de partager leurs connaissances et plus largement faire découvrir leur terroir, même si cela ne se fait pas toujours de manière structurée.

L'oenotourisme ne vient pas de nulle part. C’est n’est pas juste partager un paysage, ils apprennent, on transmet. Non, faut avoir des idées et du temps. C’est le truc important dans le vin, on fait du vin avec du raisin et du temps.
- Françoise Bunan, Domaine Bunan
Les dégustations n’ont pas toujours lieu dans le cadre d’une offre spécifique et ne sont pas nécessairement récurrentes. En effet, dans certains cas, elles dépendent de la disponibilité du vigneron et ne permettent pas d'accueillir beaucoup de clients. Pendant longtemps, cela n’a de fait, pas été considéré comme une activité à part entière. Cependant, nous voyons émerger de nouvelles tendances. Après près d’une trentaine d’interviews de vignerons et de professionnels du secteur , nous avons pu identifier un "oenotourisme traditionnel" ainsi qu'un "nouvel oenotourisme" qui se professionnalise. Le nouvel oenotourisme demande de plus lourds investissements pour créer des offres originales contrairement à l'oenotourisme plus classique. Cependant, ces deux modèles ne sont pas à opposer, il est possible de les trouver au sein d'une même exploitation.
L’oenotourisme traditionnel:
Dans cette catégorie nous regroupons les offres dites "classiques" ou "traditionnelles", de tous les domaines viticoles qui ont développé des services parfois tarifés que l’on a divisé en deux sous catégories:
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La dégustation classique
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La visite du domaine
Nous les regroupons dans la catégorie "traditionnel" car ce sont des activités qui ne demandent pas d’infrastructures neuves, qui ne requièrent relativement que peu d’investissements et qui peuvent être exercées directement par le vigneron sans formation touristique lourde.
La promotion de ces services passe souvent par un site internet, une page facebook ou instagram qui sont accessibles facilement et ne demandent pas d’investissements importants car ce sont des petits volumes de touristes qui sont accueillis sur des plages horaires courtes. Les offres restent donc simples pour un public qui a l’habitude des dégustations et comme les tarifs sont abordables, l’engagement client reste raisonnable. L'objectif de ces visites reste la vente au caveau.
1. La dégustation :
Les dégustations réalisées sont majoritairement encadrées par le vigneron lui-même qui va pouvoir présenter ses vins et donner des explications sur son métier. C’est l’offre la plus répandue. Elle n'est parfois pas tarifée car elle n’engendre que peu de coûts si elle n’implique pas d’employer des professionnels du tourisme. Dans la même catégorie on inclut les offres de dégustation qui contiennent des paniers de produits du terroir, venant ainsi prolonger l’expérience "tradition".
Exemple : Gérard Dupuy au Château Beauséjour à Saint Émilion.
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2. La visite du domaine :
Souvent comprise dans les offres de dégustations, les visites de domaines sont plus axées sur des explications quant aux métiers de la vigne. On tenait à décrire cette activité comme une tendance à part entière car les vignerons interviewés mettent cela en avant pour faire découvrir leur terroir. Ils ont en effet conscience que les touristes viennent aussi pour un paysage, un lieu, une histoire. Cette activité, lorsqu’elle devient pérenne, peut occasionner des investissements afin d’embaucher des guides pour avoir des plages horaires plus grandes.

Exemple : Domaine Robert Vic, Preignes le vieux
Ces deux types d’activités font souvent parties de packs, le client peut choisir de faire la simple visite ou de rajouter des options. Les vignerons construisent ainsi un offre structurée et qui attirera de nouveaux clients.
Le nouvel oenotourisme:
Cette catégorie d’oenotourisme ne représente pas la majorité de l’activité en France et on remarque ce type d’activité plus souvent chez les jeunes génération ou les nouveaux investisseurs, c’est-à-dire des vignerons qui viennent d'acquérir une propriété. En effet, ces nouveaux acteurs qui n’ont pas encore consenti beaucoup d’investissements peuvent construire leur activité en prenant en compte une offre oenotouristique, c’est l'approche par le marché. Ce type d’oenotourisme, contrairement au traditionnel est toujours tarifé du fait de ces investissements financiers et humains.
On divisera cette nouvelle tendance en trois catégories:
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Oenotourisme original
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Oenotourisme commercial
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Oenotourisme culturel
Ces activités se multiplient en France et tirent leur inspiration des oenotourismes Australiens et Néo-zélandais qui sont étudiés depuis les années 90.
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1. Oenotourisme original :
Il existe des domaines qui ont développé des activités dans leur exploitation, mais la viticulture n’est plus au centre de ces services. Le service représente un engagement fort pour le client car ce sont des expériences complexes avec un prix plus important. Plus concrètement cela peut être un Escape Game dans les caves, une dégustation en montgolfière, des expériences sensorielles etc. Le client vient chercher une expérience unique en premier lieu et la découverte du terroir ou du vin passe au second plan.
Exemple : Domaine Raimbault-Pineau
2. Oenotourisme commercial :
Les exploitations sont des lieux atypiques qui se trouvent dans des cadres exceptionnels. Certains vignerons ont choisi de partager cela en recevant un public pour des événements: réception de mariage, séminaires d’entreprises ou des anniversaires. Ils vendent alors une prestation événementielle qui peut avoir lieu toute l’année et qui assure une stabilité économique. Bien évidemment leurs vins y sont servis pendant toute la durée de l’événement et cela provoque aussi des achats, qui ne sont cependant pas le centre de l’expérience.
Exemple : Domaine de Roche Ville, Saumur
https://rocheville.net/#Seminaires
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3. Oenotourisme culturel :
C’est le modèle d’exploitation le plus récent. Il peut comprendre des infrastructures viticoles réalisées par de grands architectes, l'installation d'expositions temporaires ou encore l'organisation de concerts dans un domaine. Le vin s’inscrit ici dans une offre culturelle multimodale et hédoniste mais n’en est pas toujours le sujet central. Le travail de la vigne va s’inscrire dans un patrimoine, une culture et un territoire.
Exemple : Château Fleur Cardinale, St Émilion.
Il ne faut pas opposer le modèle traditionnel et le nouvel oenotourisme, ce sont en effet, des activités complémentaires qui sont souvent exercées en même temps dans certains domaines. De prime abord, cette évolution de l’offre semble bénéfique pour le secteur et les vignerons ; elle répond à une réelle attente du public. La question pour chaque vigneron est plus de savoir quelle activité exercer pour quels objectifs (rentabilité économique, mise en valeur du savoir-faire et des territoires…) Aujourd’hui le secteur se professionnalise au niveau de ces offres. Cependant, nous avons pu observer que la motivation principale mise en avant par les vignerons, reste leur volonté de faire découvrir leur territoire et leur patrimoine.